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Vocalités vivantes | Le vivant remix

À titre de relayeur-web du projet Vocalités vivantes, je me suis amusée à écrire un texte qui fait écho aux textes qui circulent en ligne en lien avec le projet en question. Ici, je réutilise les mots de Mychèle Poitras et de Sébastien Lamarre #miettes, #éparpille, #usure, #minute, #fleuve, #répéter, #fougère, #corps, #secret, #gel, #poisson, #racine, #craques, #eau, #brasse, #pli, #lignes, #ravage, #abandon, #décor, #flanc, #fer, #debout, #bonds, #courbe, #roc, #empêchent, #ouvert, #peau, #frémissent, #tempête, #meurt, #jour, #démène, #hésite, #chemin, #audaces, #perdu, #maison, #vie.

Un texte écrit donc avec des mots découpés et collés façon ctrl-c|ctrl-v en lisant sur Frida Kahlo et aussi Chaque automne j’ai envie de mourir de Véronique Côté et Steve Gagnon et aussi Particules mélancoliques de Simon Poirier. En regardant beaucoup trop de vidéos, articles, commentaires remplis de violence sur Charlottesville et la République démocratique du Congo. En écoutant les Buffalo Hat Singers au festival Présence Autochtone.

Le vivant est définitivement capable du meilleur et du pire. La poésie en réponse pour contrebalancer la haine.

Le vivant remix

À l’origine y a des cris pis ça shake en secret

L’usure du roc, le choc des corps, le choc de corps encastrés. Le courage ou l’audace de strates d’agates presque imperturbables. Palpite le désert qui vole dessous en miettes, sous la pression. Ça s’oxyde les vertèbres de fer, ça grouille, ça bave, ça s’organise en spirales qui frôlent l’émeute pour cracher son sable, ça s’ébullitionne jusqu’à déborder, ça grouille, ça se cogne, ça se conjugue ou ça se rentre dedans, mais ça bouge… comme une danse de collisions noires et lumineuses en même temps.

Le jour de la tempête qui brasse les branches mortes

La fougère hésite, tandis que ça se pollinise, ça s’enfarge pas dans les fleurs du tapis pour gicler, ça se répand, ça se précipite comme pour s’envoler, finalement ça s’envoie en l’air, ça se fusionne, ça se multiplie, ça dort en cuillère dans l’humus. Ça remue juste assez, ça se débat d’impatience. Mais ça pousse pareil en racines pis en feuilles qui frémissent.

Nos maisons n’empêchent pas de s’éparpiller dans nos géographies en fuite

Dans les courbes du fleuve familier et de ses artères fossiles, répéter. Entre toutes les craques cadavres, l’eau et la vie qui baragouinent. Ça s’énonce, ça s’entretient le franc-parler, ça vide son sac avec des accents, des oscillations, des failles qui s’entendent, des voix plantées dans des corps qui tremblent, des voix et des corps pendules, ça parle argile, ça se façonne. Des nœuds pis des lignes pis des nœuds pis des lignes. Des rebonds qui finissent par dessiner des chemins par ricochets.

À l’origine, cœur-fougère, cœur-poisson, ouvert

Le gel de la peau en écailles. Le ravage des corps perdus deboutts aux branchies desséchées. Ça t’abandonne par les plis du flanc, ça se défragmente en une minute (ou mille), ça fait sa valise (ou pas), ça se désagrège doucement ou ça décâlisse en courant pis en claquant la porte, ça se dissipe, ça s’efface, ça ghoste, ça fane, ça se vide de son sang, de ses souvenirs, de ses mots, ça ferme ses paupières, ça s’enferme à l’intérieur de soi… pis ça meurt

Tandis que le décor se démène jusqu’à la nuit

VocViv_remix1 from Chantal Bergeron on Vimeo.

#VocViv

Des ricochets

Le projet Vocalités vivantes de Rhizome est [littéralement] en route depuis le début août. Le projet de caravane envisage différentes escales coast to coast, qui navigueront en poésie autour des thématiques de la langue, de la diversité, de l’identité, des origines et de la francophonie. Le projet s’articule aussi à partir du texte « Le vivant », de Carl Lacharité, revisité par différents auteurs au fil du voyage.

Pour notre plus grand plaisir, Jean-Yves Fréchette tient un journal de bord. Dans son dernier article (ici) il s’intéresse notamment à la question intertextuelle, à l’exercice de réécriture initié par Rhizome.

Vocalités vivantes pose une question essentielle : quel est le statut d’un texte source devant ses textes cibles ? Par quelle(s) opération(s) passe-t-on de Le vivant de Carl Lacharité au texte de Jonathan Roy, de Georgette LeBlanc ou, ici à Edmundston, à celui de Mychèle Poitras à ’El vivant ? Comment pourrait-on nommer ces procédés qui font glisser les mots d’origine, celui du texte tuteur, à ces autres textes générés après-coup. Pastiche ? Hybridation ? Transcodage ? Traduction ? Adaptation ? Apprivoisement ? Appropriation ? Le passage de l’un aux autres est à la fois subtil et complexe fait d’élisions de passages escamotés, d’emprunts ou substitution de rythmes, d’expressions, de mots ou de lettres.

Tout cela correspond sans doute à l’activité de réécriture proposée par Vocalités vivantes, mais j’aimerais mieux dire qu’il s’agit ici d’une heureuse machination complice qui mène à un beau traficotage du texte tuteur sans ne jamais rien perdre de l’essentiel du sens. Le texte source apparaît ainsi comme un artefact échantillonné qui s’inscrivant dans un acte de réappropriation respectueuse. En fait, s’il y a transfert de forme et de sens, c’est qu’il y eut d’abord en aval un travail d’intériorisation du texte de Lacharité. (JYF, journal de bord jour 2)

Les réflexions liées à l’intertextualité m’intéressent et me ramènent jusqu’à mon [ma] mémoire. Tous les textes sont tissés les uns aux autres de façon plus ou moins avouée ou évidente. Au-delà de nos influences de lectures, ou de notre généalogie littéraire, l’intertextualité permet d’afficher nos couleurs, de faire écho à d’autres auteurs, de s’associer, de rappeler comment les idées et les mots sont en mouvement et sont liés. Le projet Vocalités vivantes illustre bien, à mon avis, comment l’écriture est ancrée dans nos parcours, dans l’espace et dans nos rencontres. Continuer la lecture de Des ricochets