Archives par mot-clé : résistance

Résistance 4/101 :« Kuessipan », Myriam Verreault et Naomi Fontaine

[texte publié initialement sur fb le 8 avril 2020]

C’était dimanche soir, je venais de finir d’écouter le très beau film de Myriam Verreault, « Kuessipan ». Je portais donc encore la parole de Naomi Fontaine, si lucide et si remplie d’amour, et j’avais en tête l’image de cette fille au ventre rond… « J’aimerais que vous la connaissiez, la fille au ventre rond. Celle qui élèvera seule ses enfants. Qui criera après son copain qui l’aura trompée. Qui pleurera seule dans son salon, qui changera des couches toute sa vie. Qui cherchera à travailler à l’âge de trente ans, qui finira son secondaire à trente-cinq, qui commencera à vivre trop tard, qui mourra trop tôt, complètement épuisée et insatisfaite. Bien sûr que j’ai menti, que j’ai mis un voile blanc sur ce qui est sale. » Je portais donc encore la parole de Naomi Fontaine, si lucide et si remplie d’amour, et j’avais en tête l’image de cette fille au ventre rond… lorsque je suis tombée sur un article qui faisait état de la nouvelle directive qui permet aux hôpitaux de restreindre l’accès des accompagnant.e.s à salle d’accouchement et pendant le séjour post-partum. C’est le cas notamment de l’hôpital où j’ai accouché, hôpital où les femmes qui doivent accoucher prochainement devront le faire seules! J’étais déjà complètement atterrée par le fait que des humains, dans le contexte actuel de la pandémie, doivent mourir sans la présence rassurante des leurs; et voilà que j’apprenais que les humaines qui donnent la vie, devraient aussi le faire sans soutien! Une pétition en ligne a déjà recueillie près de 100 000 signatures, plusieurs groupes représentant des organismes, des familles, des professionnels de la santé et les travailleurs du réseau ont signé un communiqué qui dénonce la nouvelle directive, et le premier ministre a d’ores et déjà annoncé que la directive en question ne toucherait qu’un seul hôpital. N’empêche, ça nous ramène à cette citation de Simon De Beauvoir relayée par @jesuisfeministe : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »

Image mise en avant tirée du site de Mémoire d’encrier, éditeur de « Kuessipan » de Naomi Fontaine http://memoiredencrier.com/kuessipan-naomi-fontaine/.

Vidéo teaser pour le film « Kuessipan » de Myriam Verreault.

Résistance 3/101 : « We are not princesses », Bridgette Auger et Itab Azzam

[texte publié initialement sur fb le 31 mars 2020]

Le film d’ouverture du Festival International du film sur l’art (FIFA) était « We are not princesses » de Bridgette Auger et Itab Azzam. Un film dans lequel des femmes syriennes, réfugiées à Beyrouth, montent la pièce Antigone de Sophocle. Le documentaire, qui marie images et animation, brosse le portrait de femmes qui, à l’instar d’Antigone, font preuve d’une force de caractère et d’une grande résilience. J’ai toujours beaucoup de difficulté avec ce terme « résilience », puisqu’à mes yeux, la résilience se forme lorsqu’il y a un manque flagrant de justice sociale. On dit des individus qu’ils sont courageux et résilients, lorsqu’ils sont soumis à des formes d’injustice ou de violences qui, très souvent, ne devraient pas avoir lieu. M’enfin… malgré ma parenthèse, les femmes du film « We are not princesses » sont, indeed, résilientes as fuck, et au fil de leurs réflexions autour de la pièce, elles se dévoilent et partagent leurs vécus. Et c’est là la force du film : nous présenter des femmes, qui comme Antigone, résistent malgré les pertes qui s’accumulent. Dans la pièce de Sophocle, le personnage d’Antigone remet en question la décision du roi (Créon) de refuser le droit à Polynice (le frère décédé d’Antigone) de recevoir des rites funéraires. Antigone brave ici l’autorité du roi, son oncle, au risque de sa propre vie. Les femmes du film étant Syriennes et ayant connu la guerre (donc la mort) sont à même de se reconnaître dans la quête d’Antigone. Les rites funéraires en tant de guerre sont bouleversés et les rassemblements autour d’un défunt le sont tout autant. Chacune porte en elle le fantôme d’un mort, celui du frère resté au pays, celui de l’enfant malade qu’on a tenté de sauver au milieu des bombes, celui du fils martyr assassiné en pleine rue. Des cadavres qui n’ont pas été pleurés en famille, des enterrements sans invité, des cauchemars pour des mères qui savent très bien que dans les zones de guerres, les corps inanimés finissent parfois mangés par les chiens. J’écoutais le film en sachant bien que, malgré qu’on ne puisse pas comparer des années de guerre à deux semaines de confinement, il y aura ici aussi des gens qui perdront des proches sans pouvoir les accompagner. IL Y A déjà des gens qui perdent leurs proches sans pouvoir les accompagner. Comme il y a mille autres deuils à faire, certains sont déjà connus tandis que d’autres ne sont pas encore soupçonnés. Alors peut-être ne reste-t-il qu’à suivre l’exemple de l’Antigone de Sophie Deraspe, et de rester solidaire autour du slogan « mon cœur me dit ». On dit souvent que nous avons de la difficulté à développer de l’empathie lorsque les drames se jouent trop loin de chez nous sur le plan géographique… saurons-nous faire autrement maintenant que la crise est à la fois partout et dans notre cour?

Image mise en avant tirée de Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Antigone_(Sophocle).

Vidéo teaser pour le film « We are not princesses » de Bridgette Auger et Itab Azzam.

Résistance 2/101 : «ourse bleue», Virginie Pésémapéo Bordeleau

[texte publié initialement sur fb le 29 mars 2020]

Parce que l’écriture est une forme de résistance, à mon sens et que la lecture apaise, engage, éclaire, relie… J’ai lu ce livre avant la crise. Le livre, « ourse bleue » de Virginie Pésémapéo Bordeleau, faisait partie de la liste « 40 livres écrits par des écrivaines québécoises et canadiennes, autochtones ou racisées » de Nicholas Dawson, Zishad Lak et Pierre-Luc Landry. La liste, publiée initialement sur le site de Lettres québécoises se trouve ici : https://lettresquebecoises.qc.ca/fr/article-web/40-autrices. Parce que, comme le soulignent les auteurs de la liste, il faut apprendre à diversifier nos lectures et à changer nos perspectives. Je dirais même que ça presse…! Le livre « ourse bleue » est une quête d’identité métissée, une exploration autant des souvenirs que du territoire; s’y mélangent des éléments spirituels, le mouvement, un regard à la fois franc (non-édulcoré) et bienveillant sur des réalités reléguées bien souvent dans le domaine de « l’invisible ». Quand je parle de l’invisible, je parle à la fois de « l’invisibilité » historique de l’univers autochtone, encarcané dans des réserves; mais aussi de la présence de liens, de signes et/ou de messages, qui proviennent d’un autre monde, invisible aussi, celui des rêves. Cette plongée dans les rêves m’a marquée jusque dans mes propres rêves, où un ours m’a visitée le temps de ma lecture; comme quoi, le livre a laissé des traces jusque dans mon propre inconscient. « La rivière m’attire avec sa longue grève de sable gris. L’air est humide, va-t-il pleuvoir? Je marche, je respire, et l’étrangeté de ce voyage au nord, où s’ancrent mes racines, me culbute dans un magma d’émotions que je croyais apaisées. La douleur que je croyais scellée s’éveille. Ces impatiences et ces montées d’agressivité à l’heure du repas n’étaient que des mouvements de refus devant une traversée inévitable. » [extrait]

Image mise en avant tirée du site Lettres québécoise https://lettresquebecoises.qc.ca/fr/article-web/40-autrices.

Image page couverture Virginie Pésémapéo Bordeleau, « L’ourse bleue », Les éditions de la Pleine lune.

Résistance 1/101 : Mohand Ouabdelkader, Le Matin d’Algérie

[texte publié initialement sur fb le 20 décembre 2019]

En Algérie des manifestations en lieu toutes les semaines depuis février dernier. La diaspora montréalaise se mobilise aussi. L’ex-président, Abdelaziz Bouteflika, qui briguait un 5e mandat après 20 ans au pouvoir, a démissionné en avril dernier sous la pression. Les manifestations ont continué, les Algériens et les Algériennes réclament la fin du « système » en place. Des détenus d’opinion sont incarcérés dans les prisons algériennes depuis le début des manifestations. Désinformation et censure prévalent. Plusieurs en ont appelé au boycott de l’élection du 12 décembre dernier, qualifiée de « mascarade », parce que les cinq candidats en lice étaient tous associés à l’ancien régime. Abdelmadjid Tebboune a remporté vendredi dernier l’élection présidentielle. Tu peux lire Mohand Ouabdelkader dans Le Matin d’Algérie si tu veux prendre le pouls de cette résistance populaire qui dure depuis des dizaines de semaines… « Il pleuvra sur nous des rossignols au chant de la résistance, au rythme de l’hymne pour la liberté, celui scandé par des millions de jeunes chaque vendredi. » https://www.lematindalgerie.com/il-pleuvra-des-hommes

سلمية الحراك الشعبي
Rihem jeon / CC BY-SA (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)

Image mise en avant tirée du site Le Matin d’Algérie https://www.lematindalgerie.com/il-pleuvra-des-hommes

Photo de Rihem Jeon https://commons.wikimedia.org/wiki/File:%D8%B3%D9%84%D9%85%D9%8A%D8%A9_%D8%A7%D9%84%D8%AD%D8%B1%D8%A7%D9%83_%D8%A7%D9%84%D8%B4%D8%B9%D8%A8%D9%8A.jpg