[texte publié initialement sur fb le 31 mars 2020]
Le film d’ouverture du Festival International du film sur l’art (FIFA) était « We are not princesses » de Bridgette Auger et Itab Azzam. Un film dans lequel des femmes syriennes, réfugiées à Beyrouth, montent la pièce Antigone de Sophocle. Le documentaire, qui marie images et animation, brosse le portrait de femmes qui, à l’instar d’Antigone, font preuve d’une force de caractère et d’une grande résilience. J’ai toujours beaucoup de difficulté avec ce terme « résilience », puisqu’à mes yeux, la résilience se forme lorsqu’il y a un manque flagrant de justice sociale. On dit des individus qu’ils sont courageux et résilients, lorsqu’ils sont soumis à des formes d’injustice ou de violences qui, très souvent, ne devraient pas avoir lieu. M’enfin… malgré ma parenthèse, les femmes du film « We are not princesses » sont, indeed, résilientes as fuck, et au fil de leurs réflexions autour de la pièce, elles se dévoilent et partagent leurs vécus. Et c’est là la force du film : nous présenter des femmes, qui comme Antigone, résistent malgré les pertes qui s’accumulent. Dans la pièce de Sophocle, le personnage d’Antigone remet en question la décision du roi (Créon) de refuser le droit à Polynice (le frère décédé d’Antigone) de recevoir des rites funéraires. Antigone brave ici l’autorité du roi, son oncle, au risque de sa propre vie. Les femmes du film étant Syriennes et ayant connu la guerre (donc la mort) sont à même de se reconnaître dans la quête d’Antigone. Les rites funéraires en tant de guerre sont bouleversés et les rassemblements autour d’un défunt le sont tout autant. Chacune porte en elle le fantôme d’un mort, celui du frère resté au pays, celui de l’enfant malade qu’on a tenté de sauver au milieu des bombes, celui du fils martyr assassiné en pleine rue. Des cadavres qui n’ont pas été pleurés en famille, des enterrements sans invité, des cauchemars pour des mères qui savent très bien que dans les zones de guerres, les corps inanimés finissent parfois mangés par les chiens. J’écoutais le film en sachant bien que, malgré qu’on ne puisse pas comparer des années de guerre à deux semaines de confinement, il y aura ici aussi des gens qui perdront des proches sans pouvoir les accompagner. IL Y A déjà des gens qui perdent leurs proches sans pouvoir les accompagner. Comme il y a mille autres deuils à faire, certains sont déjà connus tandis que d’autres ne sont pas encore soupçonnés. Alors peut-être ne reste-t-il qu’à suivre l’exemple de l’Antigone de Sophie Deraspe, et de rester solidaire autour du slogan « mon cœur me dit ». On dit souvent que nous avons de la difficulté à développer de l’empathie lorsque les drames se jouent trop loin de chez nous sur le plan géographique… saurons-nous faire autrement maintenant que la crise est à la fois partout et dans notre cour?
Image mise en avant tirée de Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Antigone_(Sophocle).
Vidéo teaser pour le film « We are not princesses » de Bridgette Auger et Itab Azzam.