ABC a[mère]

ABC A[MÈRE] – en cours (textes Chantal Bergeron)

Je suis revenue une seule fois vers ma mère pour lui demander sans détours de me répéter ce qu’elle m’avait déjà dit, de me le dire encore une fois et me rassurer sur le fait que je n’avais rien inventé pour me rendre intéressante ou pour donner du corps à celui qui était parti, que je n’avais pas volé ce récit à un film ou à un roman, que ce n’était pas les restes d’un cauchemar ou d’un rêve éveillé. (Martine Delvaux, Blanc dehors)

À la suite de la lecture de Blanc dehors de Martine Delvaux, j’ai eu envie de te raconter notre histoire Mathilde. Une manière d’éviter qu’il y ait trop de blancs. Pour ne pas que tu t’inventes un père imaginaire, alors que tu as un père biologique bien réel. Mais je me demande déjà quoi t’écrire? J’ai moi-même plus de questions que de réponses, moi-même je comble les blancs avec des histoires inventées et je commence à oublier. Je ne suis pas certaine de connaître notre histoire, puisque différentes versions semblent co-exister. Abandonnée, dépossédée de l’image qui représente le casse-tête de notre vie, plantée debout devant des morceaux épars qui forment un visuel partiel et incertain. Ma voix pour toi Mathilde. Et toutes sortes de réflexions accouchées entre le printemps érable et le mandat de Trump, entre espoir et colère.

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[2020] : Mathilde est née en 2012 et Trump a été élu en 2016. Entre l’une et l’autre de ces années, je suis passée d’un espoir de voir les choses changer aux frissons d’un soir d’élection dont on n’avait pas vu venir l’issue. Ces frissons que j’ai eus lorsque j’ai appris que Trump était élu, j’en ai eu des semblables plus récemment le 13 mars 2020, lorsque le premier ministre François Legault a annoncé que toutes les écoles étaient fermées pour une période de deux semaines à cause de la pandémie liée à la COVID-19. Alors que lors de la grève étudiante, « Corps et âmes contre la hausse », les bouleversements s’incarnaient à même nos corps en mouvement; le confinement associé à la présente crise me pousse à me retrancher dans ma tête. J’ai beau bouger (un peu) sur mon tapis de yoga, je me sens pognée dans mon corps plus que dans ma maison et cette inaction est aussi effrayante que le virus comme tel. Encore est-il que je peux sortir prendre l’air (un peu), ce n’est pas ton cas maman. Et cette longue lettre que j’ai adressée d’abord à Mathilde, je te l’adresse maintenant à toi en ces temps de confinement, pour que tu reviennes à la maison et que l’hiver se termine. Je t’écrirai des mots qui serviront de fil d’Ariane et je planterai cet été des semences, de l’asclépiade et des pavots.

La Presse, 04 mai 2012

À suivre sous la catégorie «moments-môman».

A absence, acceptation, avortement
B blanc, bruits, bercer
C colère, conciliation travail-famille, courage ou catharsis du sac de chips, corps
D décalée, difficile, diversité
E enfant, engrenage
F fantôme, fatigue, féminisme, fierté
G game, géniteur, genres
H hibou
I identité, inadéquate, inquiète
J jugement, justification
K kidnapping, KO, kung fu
L lait, lâcher prise et laisser du lousse
M mamans (fête des), métissage, musique
N neige, non-communication
O oiseaux
P peur et sentinelle paranoïaque, physique, présence
Q questions, quête
R race, résistance, routine
S sacrifices et liberté, secret, silence, solidarité, solitude(s) et confinement, statistiques, surprise
T tempête
U
V vertige, vie, voix
W wow
X
Y
Z zigzags

pré[textes] artistiques et autres produits dérivés poétiques