mamans (fête des)

La Presse, 11 mai 2012

La dernière fête des mères était une drôle de journée. J’avais le moton en essayant de me souvenir de la dernière fois où j’ai passé la fête des mères sans toi maman. Je ne me souviens toujours pas. Probablement lorsque j’étais en Afrique de l’Ouest ou lorsque j’habitais à Rimouski.

Nous sommes en mai, Annie-Claude m’appelle, elle rêve d’aller dans un bar ou dans une salle de spectacle, un endroit peuplé, rempli de corps au mètre carré. Des corps qui ne se méfient pas, anonymes, dans une proximité naturelle. Des corps sans peur. Je comprends tellement, et moi, ce dont je m’ennuie ce sont des transports en commun. J’aime la mixité des gens dans les transports en commun et je me suis vite rendu compte avec le confinement, qu’au-delà de nos proches, connaissances et collègues qui nous manquent, il y a l’absence inédite, qui frappe, de tous les inconnus croisés habituellement au fil de nos journées. Les visages et les corps, qui dégagent une énergie, une présence dans nos chorégraphies quotidiennes. Des corps donc en mouvement et cela me manque, ces va-et-vient, ces marches, ces déambulations dans les ruelles, dans les bibliothèques, dans les souterrains. Mon corps qui frôle celui de tant d’autres dans une fuite vers l’avant dans tous ces lieux. Je ne sais pas exactement où j’ai entendu cette idée, j’ai cette impression floue que c’est Serge Bouchard qui l’exprimait, que nous troquons aujourd’hui notre habitude d’avoir de l’espace et de manquer de temps, pour son inverse. La pandémie nous prive donc d’espace en nous donnant du temps. Et ce ralentissement, qui dans mon cas est étrangement bienvenu, ce figement, est troublant. Je n’ai pas de voiture et nous ne prenons plus les transports en commun. Pour l’instant notre vie se passe dans un carré de sable de quelques coins de rue. Ce n’est pas ce qu’on peut appeler un équilibre espace-temps. Vous me manquez même si je ne vous connais pas. Vous et nos respirations en cadence. De la vie en cristi et toi maman, qui invente une histoire pour chacun. Toi maman, en temps normal, en permanence dans une foule.

À la fête des mères, donc, à défaut de pouvoir cuisiner pour toi comme j’aime le faire, je te commande un repas en ligne. On me répond que le restaurant est fermé le dimanche et qu’il n’y a habituellement pas de livraison la fin de semaine, mais que, comme c’est une journée spéciale et que le repas est pour ma maman, ils feront exception. Je pleure. Je pleure un peu tandis qu’on te livre un bon repas et des bulles pour que je sois un peu avec toi. Pendant ce temps, mon frère, Daniel, publie des photos de nous deux sur fb. Une manière de nous rendre hommage pour la fête des mères, nous, les deux « reines » de sa vie. Et quoique je n’ai pas l’impression d’être reine de grand-chose ces temps-ci, sinon reine au foyer, ça m’a fait chaud au cœur de voir tous ces souvenirs défilés, ces images de notre famille élargie. Et je pleure encore un peu parce que, l’autre personne que je vois toujours à la fête des mères, évidemment, c’est mon frère. Mon frère qui prend le temps de remercier mère, sœur, tantes, belle-mère, grands-mères…

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La tête dans les nuages

Il y a déjà un moment, les ami.e.s du Collectif Escargo m’ont offert d’écrire quelques textes poétiques (ou pas) à intégrer dans leur dossier pour le concours de la nouvelle installation artistique sur la rue Sainte-Catherine Est. Le projet s’appelle La tête dans les nuages.

Collectif Esacargo en collaboration avec :
WXY Studio, La Bande à Paul, Lightfactor, Show Canada
Les amies : Lunettes Roses, Studio l’Escabeau

Danser la tête dans les nuages, rire la tête dans les nuages, vivre la tête dans les nuages, fêter la tête dans les nuages, dormir la tête dans les nuages, t’as-tu la tête dans les nuages?

Projet en cours.

Descriptif de projet tiré du site du collectif

Je glisse ici les deux images+textes qu’on retrouve sur le site d’Escargo, ainsi que la version complète des fragments poétiques qui accompagnaient les différents tableaux-humeurs-stations envisagés.

collectif escargo
collectif escargo

MAGNÉTISME invitation lancée par la boussole – aller tous vers l’avant – le spin de nos particules élémentaires aspirées par la parade magnétique

BATTEMENTS puis, va-et-vient et ballottements – les pages d’un livre qui volent au vent – les battements d’ailes d’insectes dansants – nos cœurs aux modulations décalées – un peuplier faux-tremble aux feuilles argentées

RAYONNEMENT jusqu’au blanc noyau central – les pulsations d’aigrettes de pissenlits de nuits – l’onde-miroir de flaques d’eau après la pluie – le halo de 1000 visages vacillants en vitrines – les reflets de feux d’artifices sur nos peaux feutrines

IRIDESCENCE avec chacun des ailes de colibris greffées, tatouées, maquillées – en vol plané dans des amas de bulles de savon – nous cherchons des lumières pour briller – nous, remplis d’espoirs iridescents – agglutinés ensemble en masses affectives en familles dépareillées en communautés parapluies

MÉTAMORPHOSE notre peau trouée laisse entrevoir la lumière – onduler jusqu’à la prochaine mue éphémère – faire place aux écailles métamorphosées et laisser dans notre sillon cette exuvie percée – comme un filet tissé de chair qui raconte nos rapiècements

TOURBILLONS la nouvelle valse laisse entrevoir que tout tourne à l’unisson – en trois temps – décorations dans une roue de vélo – Don Quichotte et ses moulins à vents – virevents et autres éoliennes géantes – polyphonie de samares tourbillonnant

APPARITION à l’aube ou au crépuscule assister à l’apparition – l’arc-en-ciel en dégradé continu – chérir cette vision chromatique collective qui renferme le fantôme de sa propre disparition

Il était une fois la Saint-Catherine à l’aube. Ce moment où le soleil apparait dans le ciel dans le silence. Seuls ceux et celles qui s’endorment les derniers ou qui se lèvent les premiers connaissent la couleur de l’aube. Une ondée orageuse passe. Ça sent la pluie. C’est la pluie, qui fait remonter des odeurs de terre humide et d’asphalte chaude. Au contact de la lumière et des gouttes, lors du passage de l’air à l’eau, une fracture donne naissance à l’arc-en-ciel. Un arc-en-ciel pour chaque gouttelette. 1000 arcs-en-ciel comme 1000 écailles comme 1000 bulles de savon comme 1000 plumes comme 1000 feux d’artifices comme 1000 perles comme 1000 visages.

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Sacrifices et liberté

La Presse, 8 mai 2012

Drôle de semaine, comme les précédentes. Je regarde le calendrier, ne sachant plus où nous en sommes. Une semaine de flottements et d’incertitudes, encore. Nous nous sommes appelées tous les jours, toi et moi maman, et comme à l’habitude, puisque ça devient une habitude, tu me racontes toutes sortes de choses : le voyage au Liban de tes parents (mes grands-parents), la première fois que tu as fait de la bicyclette à l’âge adulte et ton nouveau rituel d’aller voir à chaque jour les nouvelles résidences de personnes âgées qui sont sur la liste des lieux où il y a une éclosion de COVID-19. Tu connais quelqu’un qui habite l’un de ces CHSLD, où la majorité des résidents sont infectés. Je suis allée voir la dite liste, moi aussi, et les noms des milieux de vie, dont plusieurs sont à Montréal, semblent se succéder à l’infini, en jaune, en orange et en rouge. C’est bien écrit, oui, ton amie demeure dans un CHSLD où 74% des gens sont malades. Je me souviens t’avoir entendue me parler de cette dame, qui a été transférée dans le CHSLD en question après avoir fait un AVC. Elle n’était pas heureuse de se retrouver là-bas, loin de son quartier, de son monde, de ses repères. Ça demande beaucoup d’adaptation, devoir casser maison pour une petite chambre, tout en sachant qu’on en est à notre dernier déménagement. Tu dis que tout est une question de regard sur les choses, mais je pense que ça prend du temps parfois pour avaler la nouveauté. Et là, il n’est plus question de s’habituer à de la nouvelle nourriture ou un nouveau voisinage, ton amie ne peut plus sortir de sa chambre. Elle n’est pas confinée à domicile, elle doit demeurer entre les quatre murs d’une seule pièce. Elle demeure entre les quatre murs de sa chambre et on lui dit que quelques personnes sont malades dans la bâtisse. Quatre ou cinq, selon elle. Tu l’appelles à l’occasion, à défaut de pouvoir aller la visiter comme tu l’as fait à quelques reprises ces derniers mois. Oui, tu allais la visiter. Je te dis que j’ai entendu cette semaine Lise Bissonnette et Yves Boisvert rapporter à la radio que les résidents des CHSLD reçoivent en moyenne deux visites par année. Deux visites par année. Deux visites par année. Deux_visites_par_année.

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Frisson(s), peur et sentinelle paranoïaque

La Presse, 7 mai 2012

D’aussi loin que je me rappelle, j’ai toujours eu peur la nuit. Peur du noir, du vide, peur quand les gens dorment et que la vie est en suspens. J’ai peu de souvenirs d’enfance, mais je me rappelle que je me racontais déjà des scénarios catastrophe à cette époque. J’ai fait longtemps des cauchemars éveillés en lien avec cette publicité animée du service de prévention des incendies, où l’on voyait une maison prendre feu et une dame nous pointer du doigt en disant « et vous? », pour questionner nos habiletés à faire face à un éventuel incendie. Je m’endormais en imaginant que la maison brûlait. J’essayais de voir comment sortir de ma chambre et comment survivre si toi et papa mourriez. Je pleurais et ce faisant, je savais que je pleurais non pas la réalité, mais la fiction. J’avais déjà, faut croire, de la difficulté à faire la distinction entre les deux.

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Confinement et solitude(s)

La Presse, 05 mai 2012

Dans son journal de confinement du 24 mars, Wajdi Mouawad parle du sentiment d’inutilité que ressent le père lors de l’accouchement. C’est à l’évocation de l’accouchement que je me suis rappelée que j’ai déjà eu l’impression d’être confinée, précisément quand Mathilde est née. Lorsque Mathilde est née, j’ai passé quelques semaines chez toi maman, dans ton appartement sombre de la rue Christophe-Colomb. Tandis que les heures s’égrenaient dans le noir entre deux boires, j’avais le sentiment que la vie continuait sans moi et que j’avais accès à cette dernière seulement derrière le filtre flou d’une fenêtre paravent. J’étais à l’intérieur et tout tournait autour de tâches maternelles et d’un petit être, qui, pour la première fois n’était pas moi et tous les autres étaient à l’extérieur. Ces autres, marchaient, mangeaient des sandwichs dans la rue, transportaient des sacs avec des choses importantes dedans, se tenaient la main même parfois. Moi, j’avais de la difficulté à lire deux lignes d’un livre, j’avais des feuilles de chou sur les seins, j’avais peur d’écraser mon bébé en co-dormant, je buvais du jus de canneberges pour amoindrir les douleurs d’une infection urinaire et j’écoutais la nuit durant toute la programmation journalière de Radio-Canada en berçant l’enfant. J’avais l’impression d’habiter une grotte et que je n’en sortirais jamais. Je tournais en rond comme une ourse en cage. Et pourtant. J’en suis éventuellement sortie, assez rapidement, j’ai même retrouvé mes facultés intellectuelles, qui n’avaient besoin que d’un peu de sommeil et de sécurité pour se manifester. Ce confinement avec Mathilde me ramène par moment à cet endroit-là, dans la grotte où je suis seule pour m’occuper d’un enfant dont je suis l’unique responsable. Ça me ramène dans mes pires peurs de ne pas être à la hauteur, d’être dépassée, de tomber malade, voire de mourir. Être maman monoparentale, c’est parfois porter une grotte au fond du ventre, être confinée par en dedans, être emmurée dans ton rôle. Pis d’autres jours, ne t’en fais pas maman, c’est plus léger.

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L’eNvolée

Les ami.e.s du Collectif Escargo m’ont offert de cacher quelques petits textes poétiques sous leurs palmiers cet été, dans leur projet L’envolée! Joie, c’est certain. C’était dans le coin de la promenade Masson, près de l’église Saint-Esprit-de-Rosemont. Les poèmes ont été gravés dans le bois des bancs. Une nouvelle occasion d’inscrire l’écriture à même l’espace public. De fait, l’écriture est partout dans l’espace public, mais elle prend plus souvent qu’autrement la forme de publicité plutôt que la forme de poème. À nous de nous réapproprier tous les murs, ces canevas qui n’attendent qu’à être transformés en support pour la parole poétique… ou politique… ou les deux!

« Situés dans un secteur patrimonial, les nouveaux aménagements de style art déco sont inspirés des composantes architecturales de l’église Saint-Esprit-de-Rosemont, notamment ses formes et ses ornements. La plume d’oiseau, que l’on retrouve dans l’envolée de colibris peinte au sol, et la feuille de palmier, qui a stimulé l’idée de parasol végétal, rappellent subtilement le motif en éventail présent sur sa façade. La symétrie et la géométrie, visibles dans le motif composant les traverses piétonnes, et la palette de couleurs pastel, reprise dans le marquage et le mobilier, caractérisent bien ce courant artistique.  »

Ville de Montréal
Partenaires de réalisation
Concept d’aménagement : Collectif Escargo
Réalisation des aménagements : EN TEMPS ET LIEU
Marquage au sol : Indik
Verdissement : Au fil des saisons, paysagiste

Éventail déguisé en oiseau

  • volée de marches
    vitraux et plis d’éventails art déco
    RASSEMBLER le patrimoine vivant
    devant le parvis 2.0
  • fréquence 60 battements d’ailes par seconde
    suivre les colibris aux costumes irisés côté jardin
    vers plantes à plumes et à aigrettes
    RALENTIR
  • chorégraphies tropicales
    RIRES multicolores de nos conversations indiscrètes
    biocorridor aux cocotiers spectraux
    un herbier comme album photos
  • les oiseaux disparaitront sous nos pas
    toutes traces superposées
    jusqu’à l’effacement
    ou le RETOUR soupçonné

Au moment de sa disparition, le colibri portait un costume aux motifs d’éventails de granit et de feuilles de palmiers à paillettes. Les témoins de sa migration saisonnière sont l’église Saint-Esprit-de-Rosemont et les flâneurs de la place publique éphémère sur Masson.

LE TIERS LIVRE – ATELIER D’ÉTÉ 2019

– pousser la langue

Non seulement le site est un labyrinthe de trésors, mais le thème de l’atelier d’été 2019 était « pousser la langue ». Encore une fois, plusieurs contributeurs ont participé et une plateforme WP rassemble l’ensemble des propositions d’écriture. Une invitation à travailler la matière première de l’écriture, mais aussi, à voir comment les écritures peuvent s’interpeller, se répondre, entrer en résonance. L’expérience dépasse le carré de page ou d’écran puisqu’elle est collective. Au-delà des textes publiés, des commentaires échangés et des liens qui se tricotent entre les écritures et entre les individus. C’est beau!


mes textes en réponse aux différentes propositions :

[3] sachet de thé *5

Dans nos tasses de thé il y aura toujours beaucoup plus que du thé; il y a nos visages apeurés et aimants.

1. sachet de thé ­> papier > enveloppe > infusion > histoire de Bodhidharma > partout pareil pas pareil > noms > Rosette Red Rose > visages > rituels réconfort > amer comme la vie > fort comme l’amour > doux comme la mort.

2. Petit sachet en papier comme une page ou une interface infusée à décrypter. Objet délicat, peut être en soie, fermé, cacheté, mais translucide, une mousseline repliée sur un vrac, une enveloppe diaphane pliée brochée, un origami botanique ou alimentaire, élémentaire. Et pourtant c’est un objet usiné (comme il peut être artisanal). À l’intérieur : des feuilles séchées, passées de mains en mains. Cueillette > flétrissage > dessication > roulage > séchage > tamisage. La préparation du thé diffère d’un pays à l’autre, mais dans tous les cas l’eau et la chaleur sont présentes. La chaleur et l’eau permettent aux feuilles de gonfler et de dégourdir leurs saveurs. Il y a le buveur immobile devant le thé en mouvement, les feuilles passées de mains en mains. À l’origine, la légende de Bodhidharma : on dit que le moine avait fait vœu de ne pas dormir. Après plusieurs années passées à méditer, Bodhidharma se serait assoupi. À son réveil, furieux, il se coupe les paupières. Les paupières tombent au sol et font naitre le théier, dont les feuilles ressemblent à des paupières. La plante est reconnue pour stimuler l’attention et peut accompagner celui qui cherche l’éveil. Le thé pousse et est bu partout dans le monde, mais partout il n’est pas consommé de la même façon. Avec lait > sucre > citron > menthe > épices > fleurs. Les noms de thés font référence à des lieux (Darjeeling) ou portent des images et une poésie (Gunpowder, puits du dragon…). Il y avait Rosette qui buvait du thé Red Rose. Elle gardait toujours la poche de thé pour faire une seconde infusion. Les mains de Rosette n’ont pas cueilli le thé, mais elles ont cueilli des fraises des champs et des légumes de jardin. J’ai vu ma grand-mère Rosette boire le thé, j’ai bu le thé avec Ahmed et Chloé, je l’ai bu avec des inconnus parce que j’y étais invitée et qu’on ne refuse pas une invitation à boire le thé, j’ai vu les professeurs se cotiser pour acheter une boite de thé, j’ai bu du thé au travail pour me calmer. J’ai surtout bu du thé avec mon amie Sophie.  

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LE TIERS LIVRE – ATELIER D’ÉTÉ 2018

– construire une ville avec des mots

Non seulement le site est un labyrinthe de trésors, mais le thème de l’atelier d’été 2018 était « construire une ville avec des mots ». Plus de 100 contributeurs ont participé au projet! Ainsi s’échafaudaient, en parallèle et au fil des propositions d’écriture, des mondes qui se répondaient. J’aimais faire des allers-retours entre mon projet de ruelles et cette ville tentaculaire. J’aimais passer de l’écriture à la lecture et vice versa. J’aimais découvrir ou redécouvrir des auteurs à travers les propositions de lectures de François Bon, qui s’intéresse à la ville depuis longtemps et qui nous la fait (re)découvrir en (re)lisant Perec, Sarraute, Calvino, Michaux… Qui nous la fait redécouvrir en nous amenant à revenir en arrière, à regarder de tous les côtés, avec tous les sens, par jour de pluie, dans le mouvement et dans l’attente, en observant les silhouettes qui passent et même en bégayant! On peut se promener aléatoirement d’un auteur à l’autre avec le lien « découvrir un autre auteur ». Une façon de dériver en lectures et de laisser le hasard nous faire retrouver des auteurs déjà appréciés, découvrir quelqu’un qui partage le même amour des quenouilles ou apprécier la poésie des images d’une ville lointaine qu’on a l’impression de porter en soi.

Réfléchir d’abord à là où on est immobile, même provisoirement, même un instant, mais de façon répétitive dans le quotidien, pour regarder la ville : devant une fenêtre, à l’arrêt de bus, à un feu rouge, sur un banc, ou là où on prend le pain, à la caisse d’un supermarché… C’est une suite d’endroits où on attend brièvement, même quelques dizaines de secondes, pourvu que répétées presque au quotidien : il suffit de penser à ce qui revient régulièrement au fil des jours s’immobiliser à un endroit précis pour déceler ces points d’arrêt même très fugaces, pour qu’apparaisse son territoire personnel dans la ville, et un nouveau portrait de cette ville.
– Bon,Tous les mots sont adultes, p.64


mes textes en réponse aux différentes propositions :

[1]

Marcher. Traverser cette frontière qu’est le chemin de fer entre les deux quartiers de la ville. S’assoir dans un parc et manger son sandwich. Regarder l’espace environnant avec une impression de déjà-vu. Elle a déjà été ici. Elle a déjà vu ce parc d’un autre point de vue. Mais est-ce bien ce parc ? N’était-il pas plus petit vu de la rue qui le borde au nord. Elle se lève. Chercher de nouveaux repères. Se déplacer vers l’intersection, se déplacer vers l’arrêt de bus. Son arrêt de bus à elle. Elle a déjà habité ici, tout près. Ce parc était son parc. Ces lieux étaient les siens. Il y a dix ans. Aujourd’hui, tout est à la fois différent et inchangé. Son ancien appartement est bien là. Elle y revient. L’épicerie d’en face a fait place à un service de garde pour enfants. Elle se demande qu’est devenu l’épicier ? Qu’est devenu ce monsieur, qui faisait partie de son quotidien à l’époque au point d’en être un pilier familier. Constater que la mémoire a enregistré une copie de la réalité en léger décalage avec la réalité. Réaliser que tout n’a pas changé sinon soi. Voir toutes les maisons habitées pendant dix ans en surimpression : un appartement avec le trou d’une balle de fusil à plomb dans la porte vitrée – une chambre d’où l’on voit le fleuve par la fenêtre – un logement partagé au-dessus d’une boulangerie — une folie avec une nouvelle famille élargie dans un nouveau pays brûlant – une colocation salutaire — un retour au bercail. Elle qui n’avait jamais franchi la frontière du chemin de fer du temps qu’elle habitait le nord de la ville. Une nouvelle pièce du puzzle se dessine. Recroiser à pied le chemin de fer vers le quartier plus au sud. Avancer dans les traces des sutures de la ville. Se rapiécer en même temps.

[2]

Difficile de cadrer le vent. Le lieu est visible d’abord du nez. Une odeur qui contient tous les temps jusqu’à ta (re)naissance. Cette odeur qui monte à la tête et qui traverse tout le corps enfin immobile. Le seul endroit où se poser parce que le mouvement est devant soi, à l’extérieur de soi, en ravages qui s’échouent sans cesse. En successions de couches de sens qui se sont sédimentées depuis cent mille ans. En lumière et en chants qui se laissent entendre si on patiente assez longtemps. Un chant qu’on peut aussi entendre à l’heure de pointe sur l’autoroute lorsque les yeux fermés. Le chant de l’agitation. L’odeur aussi peut revenir en mémoire aux moments les plus inattendus. Un rappel constant du lieu. Un appel. C’est un endroit au mille visages visités, aux milles noyés et aux pirateries espérées. C’est un espace envisagé comme un débordement.

Un panoramique filé qui fixe tous les âges, tous les genres, tous les doutes dans un coucher de soleil. L’obscurité ou le flou ou les yeux qui se tournent vers l’intérieur. La mince ligne qui sépare le ciel et la terre s’efface en les faisant se confondre. Tourbillons des aquarelles brunes ou grises ou orange. Trombes. Et puis un élément d’humanité, peut-être un bateau, un enfant, un bois brûlé. Des strates successives de pigments mais l’ensemble demeure diaphane. Le lieu goûte les larmes, les roches. La démesure même dans l’arrêt sur l’image. Le berceau multiple se déplie en spirales concentriques dans ta gorge asphyxiée.

Turbulence. Laminaires. Fenêtre. Poêle à bois. Odeur de tabac. Butte. Fraises des champs. Marais. La shed.

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RÉCIT DE VIE EN VRAC EN LIEN AVEC MON PARCOURS D’APPRENANTE_intro

Au moment où je commence à écrire ces lignes, je suis assise sur une petite chaise dans le corridor de l’école de ma fille… toujours dans une école, comme maman, comme étudiante, comme animatrice communautaire… éventuellement comme enseignante. Toujours eu un rapport ambivalent avec l’école : je trouve qu’il s’y vit beaucoup de violence, et pourtant j’y suis toujours restée, mon grand paradoxe. Il y a habituellement à l’école un système qui fonctionne de manière hiérarchique sous l’autorité sacro-sainte des professeurs, une compétition favorisée, un manque de représentation de la diversité (dans les corpus, dans les employés, dans les apprenants) et un modèle où la conformité est habituellement encouragée plutôt que les vibrations individuelles. Et pourtant, depuis petite on m’a dit que je serais enseignante. Toute ma vie en fait, parce que mes deux parents étaient enseignants. La voie était pour ainsi dire toute tracée. Moi aussi, j’en serais, parce qu’on m’avait transmis le gène de l’enseignement. J’ai résisté longtemps, pour être autre chose, parce je n’avais pas envie de faire de la discipline, pas envie d’être devant des élèves-étudiants qui sont captifs, qui sont obligés d’être là, qui n’y sont pas vraiment sur une base volontaire. J’ai voulu écrire et j’ai même pensé pouvoir en faire un métier. J’oubliais que je n’ai pas assez confiance ni en moi ni en les autres pour affronter cet autre milieu compétitif qu’est le monde littéraire. J’oubliais aussi que je préfère toujours les chemins moins bien balisés : les ruelles aux portes laissées entrouvertes, les explorations hors des sentiers battus, les migrations de bord de fleuve, les sauve-qui-peut de continent inconnu. J’oubliais que je ne serais jamais sous le spot-light, que je quitterais toujours la scène avant que les spectateurs arrivent, que je travaillerais dans mille métiers à développer des projets et à les quitter une fois qu’ils seraient mis sur pieds. J’oubliais que mon écriture allait être presqu’invisible, comme moi, et qu’elle s’inscrirait sur écran plutôt que sur papier. J’ai compté des pilules, j’ai voyagé, j’ai quitté l’homme de ma vie pour avoir un enfant, j’ai appris à conduire une voiture malgré ma peur, j’ai façonné des baguettes de pain, je me suis confrontée à l’altérité, j’ai mangé du homard accotée sur le pare-choc d’une voiture avec un poète vagabond, j’ai accroché de la poésie sur des clôtures, j’ai reçu les félicitions de mon médecin lors de mes poussées d’accouchement, je suis une maman monoparentale, je suis devenue une entreprise individuelle aux lunettes roses et un jour j’ai rencontré Monsieur Émile. Monsieur Émile avait accepté que je vienne dans sa classe de francisation donner des ateliers d’écriture, de correspondances pour être plus précise. La première fois qu’il m’a vue, il m’a demandé pourquoi je n’étais pas professeur. Je lui ai répondu que je n’étais pas professeur parce que mes parents l’étaient. Il semblait trouver ça drôle et il m’a dit : « oui mais, pourquoi tenter d’éviter toujours l’inévitable. » Et moi je me disais que j’étais trop âgée pour retourner sur les bancs d’école et pour « recommencer » encore une fois un autre programme d’études. C’est alors qu’il m’a raconté qu’il venait d’Afrique de l’Ouest et qu’il avait recommencé toute sa scolarité à son arrivée ici. Je n’allais pas le faire pleurer lui. Je lui ai demandé quel âge il avait quand il est arrivé, il avait début quarantaine, tout comme moi. La coïncidence était trop belle. Et c’est vrai, pourquoi, pourquoi en fait je n’enseignais pas, pourquoi?

RÉCIT DE VIE EN VRAC EN LIEN AVEC MON PARCOURS D’APPRENANTE_transgresser

« Puisque la grande majorité des étudiant.es apprennent par des pratiques éducatives conservatrices et traditionnelles, et ne se soucient que de la présence de leur enseignant.e, une pédagogie radicale doit insister sur la reconnaissance de la présence de toustes.  » (hooks, p. 13)

En général, l’enseignement, malgré ce qu’en disent les différents courants théoriques actuels, demeure traditionnel. Dans le cours d’andragogie suivi l’automne dernier, j’ai fait la découverte de ces différents courants : behaviorisme, cognitivisme, humanisme, constructivisme et socio-constructivisme, et j’avoue m’être reconnue un peu plus dans l’humanisme et dans le socio-constructivisme, qui laissent un peu plus de place à l’humain. J’ai déjà fait une réflexion sur mes allégeances face aux différents courants théoriques dans un cours précédent. Malgré cela, j’ai toujours de la difficulté avec les catégories et avec les polarités. Je comprends bien notre manie de tout catégoriser pour faire du sens, mais les boites que nous élaborons sont toujours réductrices, elles manquent de nuances, permettent rarement de refléter la complexité des concepts. Les catégories sont différentes perspectives ou lunettes (filtres) pour aborder une réalité, elles sont mises en opposition les unes par rapport aux autres alors qu’elles devraient plutôt être abordées en complémentarité. Nous pouvons faire le choix de voir les différences ou de voir plutôt les ressemblances, les points de jonction. Oui, bien sûr, le behaviorisme et l’humanisme sont éloignés sur le plan des fondements philosophiques, et pourtant, l’organisme pour lequel je travaille, qui est humaniste dans ses fondements, utilise avec les jeunes des systèmes d’émulation. Outil behavioriste par excellence, le système d’émulation ou le tableau de comportement, dont l’utilisation ne fait pas l’unanimité, est utilisé ici non pas comme un moyen pour conditionner le comportement, mais comme un outil de dialogue avec le jeune, qui est amené à évaluer lui-même sa propre participation à chaque club. J’ai toujours détesté le principe de la carotte, mais je dois avouer que le système d’émulation, dans son adaptation décrite ci-dessus, fonctionne bien avec certains jeunes. Je ne deviendrai jamais une fan des systèmes d’émulation ou des tableaux de comportements, mais mon passage à La Relance Jeunes et Familles aura eu le mérite de me permettre de nuancer ma vision des choses et d’observer que ce ne sont pas les mêmes moyens qui fonctionnent pour chacun. On ne peut pas avoir une recette et s’attendre à l’appliquer en bloc de la même façon pour tout le monde parce que tout le monde n’est pas pareil. Sans considérer les différents courants théoriques comme un buffet où tout s’équivaut et dans lequel on peut piger n’importe comment, le fait d’avoir un ancrage théorique n’empêche pas de s’intéresser aux autres approches et les méthodes qui découlent des courants théoriques sont parfois même associées à plus d’un courant en même temps. Je pense, par exemple, à la méthode communicative utilisée en enseignement de langue seconde, qui peut, selon la façon dont elle appliquée, s’apparenter au socio-constructivisme, à l’humanisme et au cognitivisme; puisqu’elle s’articule autour des interactions entre pairs, qu’elle place l’apprenant au centre de ses apprentissages et qu’elle fonctionne par résolution de problèmes en fonction de connaissances antérieures.

Cette session-ci je me suis moi-même surprise à différentes réflexions : 1) je me suis rendu compte que, bien que je veuille toujours m’éloigner de l’enseignement traditionnel, ce cours, Formation et développement personnel de l’adulte à tous les âges de la vie, qui s’appuie sur la pédagogie radicale (ou pédagogie critique), m’a bouleversée. Je suis avide d’explorer autre chose, du autrement, mais force est d’admettre que lorsque j’y suis confrontée, ça ne se fait pas que dans l’allégresse. L’école a un cadre formel face auquel je suis très critique, mais que je connais bien. Sortir de mes repères universitaires, comme sortir de toutes balises familières, ça tire toujours un peu dans le cou. J’apprécie que les cours offerts dans le cadre de la maitrise explorent différentes formules. Dans le cours d’andragogie d’Hélène Leboeuf, par exemple, la formule était différente par rapport à ce qui s’offre habituellement à l’université. J’étais quand même dans un cadre familier, qui s’appuyait sur la participation active des apprenants, comme c’est le cas depuis longtemps dans le communautaire. En revanche, lorsqu’il est question de pédagogie radicale dialogique, je ne suis pas dans ma zone de confort (ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi). Je comprends que le malaise et le choc des valeurs fasse partie de la pratique en question. En même temps, je me questionne à savoir comment bien préparer les apprenants à cette perte de repères, à l’inconfort d’une formule qui s’appuie sur le choc des idées et sur le partage d’émotions en contexte scolaire. Comment l’espace scolaire peut accueillir une démarche radicale (associée aussi au communautaire et à l’éducation populaire) sans que les apprenants se sentent un peu comme des cobayes. Il me semblait y avoir un chevauchement de codes ici, entre repères traditionnels (aménagement de l’espace, corpus théorique, système d’évaluation standard) et démarche radicale (parole décloisonnée, partage, expériences de la formatrice est des participantes sur un pied d’égalité). Malgré ce que je viens de dire, bien sûr, on ne peut qu’être pour les pédagogies radicales, qui dans le sillon des enseignements de Freire, offrent une alternative au « système bancaire » d’éducation et qui poursuivent un objectif de justice sociale. On ne peut qu’être d’accord avec les pédagogies radicales, mais dans un contexte scolaire formel il y a un décalage et des dissonances entre le contexte et les contenus, qui ne sont pas aussi présents, à mon avis, lorsque les pédagogies radicales se déploient en milieu communautaire ou associatif. Il reste encore bien des choses à déconstruire dans le système d’éducation pour que les espaces qui accueillent les cours soient en phase avec la pensée radicale. C’est une façon bien noble de lutter de l’intérieur. Je cherche moi-même à faire le pont entre ma pratique en milieu communautaire et l’école. Je pense d’ailleurs que l’école aurait intérêt à multiplier tous les ponts et à s’inspirer de ce qui se fait dans le communautaire. Je continue ma réflexion sur le sujet en lisant, toujours, bell hooks. Je me rends compte qu’au fil de mes lectures moi-même je me radicalise et que certaines postures idéologiques ou formules discursives m’agressent de plus en plus. J’ai beaucoup de difficulté à ne pas réagir lorsque des relations de pouvoir sont en jeu ou que des généralités sont utilisées pour renforcer des préjugés ou des stéréotypes. Je crains que je devienne plus intolérante à mesure que je suis plus consciente des inégalités et des systèmes d’oppression en place. J’ai du mal à demeurer bienveillante à mesure que je suis plus en colère et pourtant je sais que ce dont le monde a vraiment besoin est plus de bienveillance et non plus de colère.

« Nous sommes toustes, à l’université et dans la culture en général, appellé.és à renouveler nos intelligences si nous voulons transformer les institutions éducatives – et la société – de façon à ce que la manière que nous vivons, enseignons et travaillons puisse refléter notre joie pour la diversité culturelle, notre passion pour la justice et notre amour de la liberté.  » (hooks, p. 36)

2) Dans le cours de didactique de la grammaire je me suis aperçue que j’ai de la difficulté à concevoir l’enseignement de la grammaire autrement que de façon traditionnelle, parce que c’est de cette façon que la grammaire m’a été enseignée. En même temps, les méthodes d’animation que je préconise et que j’utilise sont dynamiques et centrées autour des participants. Comment arriver à concilier ma façon d’animer et des contenus « rigides », tant sur le plan des règles que des programmes. Il y avait des pistes de réponses dans le cours de didactique de la grammaire, notamment dans l’utilisation de réseaux littéraires grammaticaux (RLG).

Le spectre est large en ce qui a trait à la façon d’envisager la langue et son enseignement. Entre Denise Bombardier et L’insolente linguiste, les opinions divergent. Tout un pan de la société, qui est attaché aux règles et au statu quo, considère les changements pour simplifier la langue comme un nivellement par le bas. Pour ma part, je considère la langue comme un système vivant qui est « régi » moins par les règles que par l’usage qu’on en fait. La langue évolue et se transforme au gré d’un mouvement collectif qui l’actualise et la performe et mon utilisation de la langue varie en fonction des contextes et des publics. La langue n’est pas là pour établir des rapports de pouvoir entre les gens, mais bien pour créer du liant social. Oui, j’ajuste mon langage en fonction des gens à qui je parle et dans le cas particulier des apprenants de L2, je pense que nous devons les mettre en contact avec la langue qui se rapproche le plus possible de celle qui est entendue dans la rue. Les apprenants doivent, bien sûr, connaitre les distinctions entre les formes d’utilisation de la langue à l’oral et à l’écrit, mais ils doivent aussi connaitre la langue française avec ses particularités québécoises, afin d’en intégrer pleinement les subtilités. La langue renferme une vision du monde, elle est le miroir d’une culture et elle peut servir de levier pour embrasser cette dernière. Les discours élitistes des gens qui ont peur de voir disparaitre le français et qui s’attachent à des règles rigides en matière de grammaire de la langue (de méthodes d’enseignement et d’évaluation notamment), me semblent s’accrocher plus encore à leurs privilèges. Puisque c’est un privilège de maitriser la langue, un privilège qui n’est pas donné à tous, encore aujourd’hui. La société québécoise a un taux d’analphabétisme élevé et plusieurs personnes, pour toutes sorte de raisons, n’ont pas la chance de posséder les clés pour parler et écrire la langue comme la moyenne des gens. Non, il ne s’agit pas que de faire des efforts (tsé la belle phrase culpabilisante : « quand on veut on peut ») et il y a toutes sortes d’obstacles à la maitrise de la langue, y compris parfois, les façons de faire de l’école elle-même. L’amour de la langue est fragile et la langue est souvent utilisée en classe pour piéger les apprenants et leur faire sentir qu’ils sont en situation échec. À l’instar de Daniel Pennac, je pense qu’il faut retrouver d’abord le plaisir de lire. Il faut aussi cultiver en chacun l’idée que la parole permet de reprendre le pouvoir pour soi et pour « nous » en tant que collectivité en action.

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